« Les capitaux français ont grandement profité à la place financière suisse »

Janick Marina Schaufelbuehl, professeure à l’Université de Lausanne, vient de publier dans la revue d’histoire Vingtième Siècle une étude sur l’évasion fiscale en 1968. Selon ses estimations, près de 12 milliards de francs français de l’époque ont été transférés en Suisse en six mois.

La portée politique et sociale de Mai 68 a été largement analysée en France. Ses implications financières beaucoup moins. Le 13 mai 1968, quand démarre la grève générale à l’appel des syndicats, comment réagissent les milieux économiques?

Par peur de la révolte sociale et pour mettre leur fortune à l’abri des tumultes, ils se mettent à transférer en masse leurs capitaux privés en Suisse. En analysant les données de la Banque de France, de la Banque nationale suisse et celles amassées par l’ambassadeur français de l’époque, Gabriel Bonneau, j’estime qu’entre 11 et 12 milliards de francs français ont été placés illégalement en Suisse entre mai et novembre 1968. Cela correspond à environ 2,2 à 2,4 milliards de dollars.

Plus de 11 milliards de francs français, pour l’époque, c’est beaucoup, non?

Cela correspondait à 2% du PIB français en 1968, ce qui équivaudrait à 41 milliards d’euros aujourd’hui (49,35 milliards de francs suisses). C’est énorme, surtout quand on considère qu’il s’agit d’un «flux»: cet argent frais, qui traverse illicitement la frontière franco-suisse durant six mois, vient s’ajouter au stock de capitaux français déjà considérable qui se trouve dans les banques suisses.

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